La contestation de la clause bénéficiaire d’assurance-vie dans la succession

Accueil > Cas pratiques > La contestation de la clause bénéficiaire d’assurance-vie dans la succession
Publié le 26.11.2025

L’assurance-vie occupe une place singulière en droit des successions. Bien que les capitaux versés au bénéficiaire échappent en principe à la masse successorale, la clause bénéficiaire peut faire l’objet d’une contestation judiciaire dans certaines situations.

La liberté de désigner et de modifier le bénéficiaire

L’assurance-vie est un contrat dont la spécificité tient à la désignation d’un bénéficiaire. Le souscripteur peut choisir librement la ou les personnes appelées à recevoir les capitaux au décès, qu’il s’agisse d’un héritier, d’un tiers ou d’une personne morale. Cette désignation peut être faite dès la souscription du contrat. Elle peut être modifiée du vivant du souscripteur par un avenant modifiant la clause bénéficiaire du contrat. Enfin, le souscripteur peut désigner ou modifier le bénéficiaire par testament.

Ce changement est un acte unilatéral qui ne requiert pas l’accord des héritiers, ce qui explique qu’il puisse susciter des contestations lorsqu’il intervient peu avant le décès.

La possibilité de contester la clause bénéficiaire

Même si l’assurance-vie est réputée « hors succession », la désignation du bénéficiaire peut être remise en cause par les héritiers dans trois grands cas :

  • Vice du consentement du souscripteur,
  • Insanité d’esprit,
  • Caractère manifestement exagéré des primes, permettant une réintégration indirecte.

Ces fondements sont appréciés strictement par les juridictions, le droit protégeant en principe le caractère autonome du contrat d’assurance-vie. Les héritiers sont donc tenus d’apporter des preuves irréfutables puisque le changement de clause bénéficiaire est par principe considéré comme valide.

La contestation fondée sur un vice du consentement

Comme tout acte juridique, la modification de la clause bénéficiaire doit être le fruit d’un consentement libre et éclairé. Les héritiers peuvent soutenir que la désignation ou la modification du bénéficiaire a été obtenue par dol, erreur ou violence morale.

La contestation repose alors sur la démonstration d’agissements du bénéficiaire ou de circonstances ayant altéré la volonté du souscripteur. Sont recherchés, par exemple :

  • L’intervention insistante du bénéficiaire lors de la rédaction,
  • Une situation de dépendance affective,
  • Des pressions psychologiques.

Les preuves admissibles sont variées : attestations, courriels, circonstances matérielles de la rédaction de la clause, comportement du bénéficiaire, etc. Si le juge estime que le consentement a été vicié, la clause peut être annulée.

La contestation fondée sur l’insanité d’esprit

La capacité du souscripteur est une condition essentielle. L’article 414-1 du Code civil permet d’annuler tout acte accompli par une personne en état d’insanité d’esprit, dès lors que ce trouble est établi au moment de l’acte.

En matière d’assurance-vie, les héritiers cherchent souvent à démontrer :

  • Une altération cognitive,
  • Une pathologie affectant le discernement,
  • Un état de faiblesse lié à une hospitalisation ou à une dépendance avancée.

Pour ce faire, ils peuvent solliciter une expertise médicale posthume, produire des comptes rendus médicaux ou des témoignages décrivant le comportement du souscripteur. Si l’insanité d’esprit est reconnue, la clause bénéficiaire est annulée, et les capitaux réintègrent la succession.

La contestation fondée sur le caractère manifestement exagéré des primes

Les capitaux issus de l’assurance-vie échappent à la succession, mais les héritiers réservataires peuvent agir sur le terrain de l’article L. 132-13 du Code des assurances, qui autorise le juge à réintégrer les primes dans la succession si celles-ci sont « manifestement exagérées » au regard :

  • Des facultés financières du souscripteur,
  • De son âge,
  • De son utilité pour lui.

Ce mécanisme ne remet pas en cause la clause bénéficiaire elle-même, mais limite l’avantage octroyé au bénéficiaire. La jurisprudence examine la proportion entre patrimoine global et montants versés, ainsi que l’intention éventuelle de détourner la réserve héréditaire.

Si l’assurance-vie demeure un outil de transmission privilégié bénéficiant d’une grande liberté, cette liberté n’est pas absolue. Les héritiers disposent de moyens juridiques pour contester la clause bénéficiaire lorsqu’ils estiment qu’elle ne reflète pas la volonté véritable du souscripteur ou qu’elle porte atteinte à leurs droits. La contestation reste toutefois encadrée et suppose une démonstration rigoureuse, le juge appréciant strictement les circonstances entourant la désignation du bénéficiaire.

D'autres études de cas